Marie se tient debout sur la jetée à l'entrée du port. Une main sur la cuisse pour empêcher le vent capricieux de soulever ses jupons, elle scrute l'horizon bouché. Elle guette, stoïque, le moment où l'océan finira par lui rendre le bateau de pêche parti avant l'aube chercher sa pitance au large.

Son assurance n'est qu'un masque, une apparence. Son coeur affolé n'est pas à la noce : Joseph en mer alors que la tempête pointe le bout de son nez ! Les vagues commencent à former des creux de plus en plus hauts. Cinq mètres, largement de quoi malmener durement le chalutier.

Son imagination divague, suppose le pire, l'instant tragique où la proue s'enfonce sous les flots et n'en ressort plus, les expéditions de secours quand l'accalmie devient suffisante, les corps sous les linceuls, l'incinération contre l'avis du pasteur, la poterie funéraire sur la cheminée, les marins célibataires à lorgner sur la jeune veuve...

Heureusement, la distorsion entre la rêverie et la réalité s'avère immense. Un choc électrique ramène la quasi-veuve éplorée dans un monde meilleur. La Gabrielle vient de regagner les eaux sûres et protégées de Lorient, son capitaine fièrement campé à la barre.

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